Voici le billet de Denis Tillinac paru dans le dernier numéro de Valeurs actuelles :
La réforme territoriale est typique de la géhenne socialiste ordinaire:
elle ne résout rien et complique tout …
Dimanche, j ‘irai voter sans enthousiasme pour des inconnus, mon canton ayant été rayé de la carte et englobé dans une entité aléatoire. Encore une bévue des socialistes. En milieu rural, le canton est l’espace de proximité idéal. Depuis le hameau le plus excentré, on rejoint son chef-lieu en un quart d’heure de voiture. On va y faire ses courses et son tiercé, consulter son médecin, encourager l’équipe de foot, assister à la messe dominicale ou prendre l’apéro.
Pour alléger le millefeuille territorial, il fallait supprimer les milliers de communes de rase campagne, qui souvent comptent moins de 500 habitants et n’ont plus de commerce, plus de bistrot, plus de curé, plus rien. Il fallait que le chef-lieu de canton soit la seule commune au lieu de laisser proliférer des intercommunalités coûteuses.
J’ irai voter sans enthousiasme pour un « binôme » de « conseillers départementaux ». Autre trouvaille des socialistes, extravagante celle-là: ils ont divisé par deux le nombre des cantons, mais laissé inchangé le nombre de conseillers. Un homme, une femme, qui peut-être divorceront dès l’élection du président. Les mêmes qui ont légalisé le mariage unisexe nous imposent un accouplement politique hétéro aux fins d’obtenir la stricte parité, cinquante-cinquante. Culte imbécile de l’égalité comptable, humiliant pour les femmes. Il a fallu les caser, on a pris ce qu’on trouvait, comme aux municipales. Le genre féminin mérite mieux que cette aumône démago.
J’irai voter sans enthousiasme pour envoyer au conseil général pardon, »départemental » – des élus dont les prérogatives ne sont pas claires. On nous a annoncé la mort des départements. Puis leur survie en zone rurale. Puis leur survie tout court. On envisage de transférer aux régions certaines de leurs missions, mais lesquelles ? Nul ne le sait, ça se décidera plus tard, entre l’Élysée, Matignon et la Rue de Solferino.
Entre-temps, nous aurons élu à la fin de l’année les conseillers de nouvelles régions aux frontières aberrantes. En tant que Corrézien arrimé par l’histoire-géo au Massif central, me voilà sujet d ‘une manière de grand-duché d’Aquitaine qui s’étend d’Hendaye à La Rochelle. Or, comme beaucoup de Français, c’est le département qui définit mon identité locale, il fallait le sanctuariser.
C’est au chef-lieu que les élus de base et les agents de l’État animent la vie sociale. On peut s’y rendre en une heure d’horloge pour un rendez-vous à la préfecture ou à l’assemblée départementale, pour une consultation à l’hosto, pour aller au ciné, au resto ou au concert – bref, pour entretenir la citoyenneté et la sociabilité. À la rigueur, les régions pourraient être un lieu où l’État déconcentre certains dossiers. Rien de plus, n’en déplaise à ces nouveaux féodaux qui, en leurs palais somptueux, détricotent ce que Louis XI, Richelieu, la Constituante, Bonaparte et leur suite républicaine ont eu tant de mal à édifier. Réduite à un agrégat de régions sans racines dans la mémoire collective, donc sans âme, la France se délitera.
Je voterai sans enthousiasme pour un couple présenté par l’UMP, parce qu’en Corrèze les responsables de ce parti sont des copains et s’opposent à la prépondérance de la gauche avec une opiniâtreté louable dans le sillage tracé par Jacques Chirac. Mais vraiment, le coeur n’y sera pas, tant je suis las des bisbilles, des incohérences, des pusillanimités, des lâchetés de cette famille politique.
Dimanche soir, elle aura sans doute gagné des départements. Du moins on peut l’espérer. Et après ? Les ténors de l’UMP, qui se tirent dans les pattes, risquent de nous infliger à nouveau le scénario d’une division entre partisans et adversaires d’un compromis local avec le FN. Marine Le Pen s’en régale par anticipation et la noria hollandiste mise toutes ses billes sur une éventuelle implosion de l’UMP. Sarkozy a raison d’affirmer que le FN veut la peau de son parti et en conséquence sert la soupe auPS. Il a tort de relayer Hollande et Valls dans une vaine diabolisation du FN. Ça ne prend plus et ça démoralise les troupes.
Denis Tillinac pour Valeurs actuelles.
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