• Un débat présidentiel rasoir au possible

    Un débat présidentiel rasoir au possible

    Fillon raide comme la justice, Macron en costard impeccable, Mélenchon passionné, Hamon se demandant ce qu’il fait là et Le Pen très à l’aise : le premier débat présidentiel est révélateur du paysage politique. Le ton est plutôt courtois, les adversaires joutent à fleurets mouchetés et ne s’engueulent qu’au bout d’une heure. Les premiers thèmes évoqués marquent instantanément les clivages : l’école donne lieu à l’affrontement traditionnel entre la gauche et la droite. Côté gauche, toujours plus de professeurs, de moyens, le maintien du statu quo. Côté droit, le retour aux fondamentaux : apprentissage du français ou uniforme à l’école, en oubliant l’histoire-géo. Au centre, c’est le vide…

    Viennent la sécurité et la justice : faut-il durcir la loi pénale ? À ma gauche, c’est non – la vieille idéologie du père Hugo qui fait du criminel une victime de la société. À ma droite, sans surprise, une volonté de revenir aux peines plancher – créées par le gouvernement Fillon. Macron parle pour ne rien dire.

    Les journalistes abordent le premier sujet qui fâche, avec l’immigration. Hamon ayant déjà utilisé l’adjectif « nauséabond » envers Marine Le Pen ne peut plus, au risque de se répéter, replacer son bon mot. Là encore, le clivage est manifeste. Hamon et Mélenchon nient la réalité, le premier osant dire que, pour 200.000 entrées annuelles, on compte 150.000 départs. Il faudrait penser à lui dire que ce ne sont pas les mêmes… Méluche nous la joue larmoyante : descendant d’immigrés poussés par la misère, il veut accueillir tout le monde. Fillon se veut sérieux, mais ne convainc guère. Égale à elle-même, Le Pen joue sur du velours parce qu’elle sait que les Français n’en peuvent plus. C’est la seule de la bande à rappeler que des islamistes se glissent dans les flux de réfugiés. Et Macron ? Il veut confier à l’Europe la gestion du problème. Toujours le vide…

    Pour les calmer, passons à la laïcité. Raté ! Hormis Fillon, le bon catho qui semble très modéré sur le sujet, les autres se déchaînent.

    Farouches partisans de cette laïcité à la française que le monde entier nous envie, pas un seul n’évoque le fait que ce mot ne signifie rien pour les musulmans. Macron, interpellé sur le burkini, saute sur Le Pen et l’accuse de diviser la société. Pour un peu, il lui tirerait les cheveux. À vrai dire, il s’en moque complètement : qui croit encore que les chrétiens menacent les institutions ? Et stigmatiser les musulmans, c’est mauvais pour l’économie… Avantage Fillon, qui propose de dissoudre les mouvements intégristes avec la plus grande fermeté. Il n’a pas parlé de dissoudre les liens qui attachent certains de ses amis au Qatar ou à l’Arabie saoudite, ces modèles de laïcité vertueuse.

    Les Français ne sont pas passionnés pas les questions institutionnelles. L’ami Jean-Luc ne rêve qu’à sa VIe République : le vieux démon de la gauche extrême qui n’a toujours pas assumé d’avoir fait couper la tête du roi. Les autres parlent de référendum d’initiative populaire, du « 49-3 citoyen » auquel personne ne comprend rien. Macron ? Le vide. En bon conservateur, Fillon ne veut toucher à rien et Le Pen, la seule, veut insérer dans notre Constitution quelques principes qu’elle ne développe presque pas. Elle a tort : aucune réforme n’est possible sans toucher au Conseil constitutionnel, sans s’affranchir de la Convention européenne des droits de l’homme. Mais cela lasse les Français. Dommage.

    Alors les journalistes, avec le talent qu’on leur connaît, leur lancent un os à ronger : la moralisation de la vie publique. Hamon l’ahuri s’était déjà animé en évoquant les conflits d’intérêts, juste histoire de réveiller Macron qui s’ennuie dans son costard. Le banquier nous avait déjà sorti un grand pathos dégoulinant de sincérité sur le montant moyen des dons à son mouvement En Marche ! : 50 €… Et le voilà au centre du débat, attaqué par tous sauf… Fillon ! Mais lorsque le petit Hamon ose lui demander si, parmi ses donateurs personnes physiques, ne se trouveraient pas, par hasard, des cadres des industries pharmaceutiques, pétrolières ou financières, le jeune premier refuse de répondre. Dommage : on aurait bien aimé l’entendre sur le sujet.

    Ouf, voici la coupure de pub. S’ils continuent comme ça, je retourne à mon roman. Dire qu’il reste encore 90 minutes à tenir. Décidément, cette campagne est rasoir au possible.

    François Teutsch

    Source : http://www.bvoltaire.fr


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