• Les accointances du nazisme avec l'écologie : Mein Grünen Kampf

    Les accointances du nazisme avec l'écologie : Mein Grünen Kampf [5/5]

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    FEUILLETON {5/5] - De nos jours, Hitler changerait peut-être le titre de son livre le plus célèbre en Mein Grünen Kampf. Car à lire ou à relire le livre le plus célèbre de l’ère nazie, Mein Kampf, on pourrait avoir l’impression que Hitler lui-même est un dévot de la déesse Nature.

    D’abord, remarque-t-il, l’erreur de base commise à cause de l’injonction biblique, reprise par Descartes, doit être corrigée : « L’homme ne doit jamais tomber dans l’erreur de croire qu’il est véritablement parvenu à la dignité de seigneur et maître de la nature (erreur que peut permettre très facilement la présomption à laquelle conduit une demi-instruction). Il doit, au contraire, comprendre la nécessité fondamentale du règne de la nature et saisir combien son existence reste soumise aux lois de l’éternel combat et de l’éternel effort, nécessaires pour s’élever. »

    Au passage est visée la « demi-instruction » des lecteurs de la Bible, qu’ils soient juifs ou chrétiens. Tout chrétien lecteur de la Bible aurait dû se sentir visé. Malheureusement, ce ne fut que très rarement le cas, à cause d’un antisémitisme remontant à l’origine même de l’Église. Passons.

    Et Hitler de poursuivre : « Des millions d’hommes ressassent sans réfléchir cette absurdité d’origine juive et finissent par s’imaginer qu’ils incarnent une sorte de victoire sur la nature ; mais ils n’apportent comme argument qu’une idée vaine et, en outre, si absurde qu’on n’en peut pas tirer, à vrai dire, une conception du monde. En réalité l’homme n’a encore vaincu la nature sur aucun point ; il a tout au plus saisi et cherché à soulever quelque petit coin de l’énorme, du gigantesque voile dont elle recouvre ses mystères et secrets éternels ; il n’a jamais rien inventé, mais seulement découvert tout ce qu’il sait ; il ne domine pas la nature, il est seulement parvenu, grâce à la connaissance de quelques lois et mystères naturels isolés, à devenir le maître des êtres vivants auxquels manque cette connaissance. »

    Hitler ne se trompe pas d’objectif. L’homme doit être détrôné au profit d’une nouvelle divinité : la nature. Et il vaut mieux se soumettre à ses ordres. Car, ne craint-il pas d’écrire « La nature éternelle se venge impitoyablement quand on transgresse ses commandements. » C’est une « impitoyable reine de toute sagesse! »

    Par exemple, l’homme cherche à limiter sa progéniture  et en même tempos se trouve instaurée « cette manie de «sauver» à tout prix les plus malingres, les plus maladifs; noyau d’une descendance qui sera de plus en plus pitoyable ». La « volonté de la nature » est ainsi bafouée. L’aboutissement, c’est qu’un jour l’existence sera ravie à un tel peuple. « Une race plus forte chassera les races faibles […]  La nature anéantit les faibles pour donner leur place aux forts. »

    Il y a donc des races supérieures et des races inférieures. Mais la nature ne veut pas « qu’une race supérieure se mélange avec une inférieure, car, dans ce cas, la tâche qu’elle a entreprise depuis des milliers de siècles pour faire progresser l’humanité serait rendue vaine d’un seul coup ». De fait, « l’histoire établit avec une effroyable évidence que, lorsque l’Aryen a mélangé son sang avec celui de peuples inférieurs, le résultat de ce métissage a été la ruine du peuple civilisateur. » Etc., etc.

    « En résumé, écrit Hitler, le résultat de tout croisement de races est toujours le suivant:

    « a) Abaissement du niveau de la race supérieure.

    « b) Régression physique et intellectuelle et, par suite, apparition d’une sorte de consomption dont les progrès sont lents mais inévitables.

    « Amener un tel processus n’est pas autre chose que pécher contre la volonté de l’Éternel, notre Créateur. Mais cet acte reçoit la sanction méritée par le péché.

    « En tentant de se révolter contre la logique inflexible de la nature, l’homme entre en conflit avec les principes auxquels il doit d’exister en tant qu’homme. C’est ainsi qu’en agissant contre le vœu de la nature il prépare sa propre ruine. Ici intervient, il est vrai, l’objection spécifiquement judaïque aussi comique que niaise, du pacifiste moderne : "L’homme doit précisément vaincre la nature !" »

    Dans Mein Kampf, écrit en 1924-25, il n’est fait mention que des « lois » supposées de la nature, et non de sa protection. Une fois au pouvoir, Hitler manifesta évidemment un vif intérêt pour toute la législation écologique mise en place dès le début de son règne. L’Allemagne manquant d’un pétrole de plus en plus vital pour son effort de guerre, le dictateur nazi était même tout à fait au courant des différentes sources d’énergie renouvelables, comme on dit aujourd'hui, y compris des sources non nuisibles à l’environnement comme les barrages hydro-électriques et le gaz naturel produit par méthanisation de la biomasse.

    Un Adolf vert au secours de l’Allemagne d’aujourd'hui

    Dans le milieu des années 1980, il s’est trouvé au  moins un écologiste allemand pour évoquer la mémoire d’Hitler. Rudolf Bahro (1935-1997)[1] s’est en effet posé la question : « y a-t-il quelque chose de plus répréhensible aujourd’hui que de penser à un nouveau 1933 ? ». Et de répondre : « Mais c’est justement ce qui peut nous sauver ! Le mouvement écologique et pacifique actuel est le premier mouvement allemand populaire depuis le mouvement nazi […] De fait, le mouvement nazi était parmi d’autres choses une première mouture du mouvement écologique […] Les Allemands doivent rechercher ce qu’il y a de positif dans le mouvement nazi et s’en réclamer, parce que, si nous ne le faisons pas, nous resterons coupés de nos propres racines d’où poussera ce qui nous sauvera. Aujourd'hui nous devons libérer les « parties brunes » du caractère allemand". Le fait est, ajoute Bahro, « qu’il y a un appel dans les profondeurs du peuple allemand pour un Adolf Vert – un Adolf qui serait, bien sûr très différent de celui que nous avons connu". Bahro évoquait le mythe germanique de l’« empereur dormant »,  Barberousse assoupi dans la Montagne de Kyffhaüser, et destiné à revenir comme Führer  et sauver la nation allemande du naufrage – une image, qui, rappelons-le, fut l’une des fondations du Führerprinzip nazi.

    Cet Adolf vert serait un leader tout spirituel, comme aurait pu l’être son modèle historique, s’il n’avait pas, selon Bahro, été poussé à la « véhémence » par le matérialisme éhonté de la République de Weimar. Ce même matérialisme est la cause de la crise écologique actuelle, et les Allemands n’ont pas d’autre choix que d’invoquer les forces spirituellement profondes du mouvement nazi pour « être présents avec tout notre potentiel ».

    Fantasmagorie allemande ? Peut-être. Mais c’est tout de même notre deep culture qui est mise en cause par l’écologie profonde triomphante, et sa probable druidesse, Greta Thunberg, notre nouvelle Sainte Vierge.

    Les chrétiens sont - étaient- baptisés au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Dans son tout dernier roman[2], Philippe Sollers rectifie : "Au Nom du Père, du Fils et de la Nature". (p. 111). A la page précédente, il nous dit qu'il n'y a "Plus de Père, plus de Nom, plus de Fils".  Ne reste donc que la Nature dans le benedicite. La déesse célébrée par Hitler a bel et bien triomphé du dieu trinitaire et de ses complications infinies, du "vieux Dieu mort", comme dit le même Sollers. Et ce dernier de nous avertir : "la planète sera invivable pour l'humanité dans trente ans".

     C'était bien la peine !

    [1] La traduction de son ouvrage en français L’Alternative  (Stock) en 1979 avait été saluée en grande pompe par Le Monde diplomatique (n° de mai 1979, p. 18). A l’époque, citoyen de la RDA, Bahro était un marxiste convaincu. Passé à l’Ouest, il adhéra au parti de Verts, pour en devenir un des leaders.

    [2] Légende, Gallimard, 2021

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