• Nous sommes gouvernés par des cancres

    Nous sommes gouvernés par des cancres

    L'éditorial de Jérôme Bourbon est derechef magistral et capiteux, comme la chronique de Robert Spieler qui se meut avec constance au firmament des lettres et de l'ironie à chaque édition. Cependant j'ai trouvé qu'il manquait un élément important à cet édito. Jérôme Bourbon nous parle d'absence de vision, de verticalité, de spiritualité et de transcendance chez les candidats à l'élection présidentielle, c'est bien, mais que fait-il de leur inculture crasse et de leur niveau intellectuel et mental de lycéen ? Je crois qu'il y aurait beaucoup à gagner en évaluant le niveau de connaissance  de ces gens-là, d'autant plus que leur nullité est de plus en plus visible.

    Quand on est nul et inculte, on a tout intérêt à galvauder, gâter, souiller et à ne pas respecter l'héritage moral et intellectuel qui constitue la civilisation à laquelle on appartient, car quand cet héritage moral et intellectuel existe et est honoré, on ne monte pas en grade aussi facilement et ceux qui y arrivent veulent le préserver tout naturellement, ils sont donc tout sauf cosmopolites, immigrationnistes, métissolâtres et libertaires. Il suffit de considérer le niveau intellectuel de la bourgeoisie et de l'aristocratie d'Ancien Régime et leur niveau après la Révolution, même si on a mis longtemps à le voir: l'école étant par essence une institution très conservatrice, il faut longtemps avant que les évolutions au sein de la société exercent leurs effets en son sein. On l'a bien vu par exemple dans l'Antiquité, même après la christianisation de l'Empire romain, les écoles dispensaient toutes majoritairement la culture classique et païenne, Homère et Virgile restaient la base de l'enseignement. C'est donc un fait nouveau dans notre histoire, il faut maintenant le relever et le signaler jusqu'à plus soif: NOUS SOMMES GOUVERNES PAR DES CANCRES. Après 45, les gaullistes ont laissé l'Education aux communistes, ces derniers à défaut de pouvoir faire la Révolution, ont ruiné et démoli l'école traditionnelle, ce qui a été une forme de révolution dans la mesure où elle a empêché la transmission d'un savoir noble à des élèves excellents et partant l'existence d'une élite traditionnelle, ce fut ainsi dans toute l'Europe de l'ouest. De Gaulle, aussi méprisable et haïssable soit-il, est le dernier homme politique représentant ce type d'homme ancien, traditionnel, et authentiquement cultivé que nous prisons, l'objectivité nous enjoint de le reconnaître quand on le compare aux histrions que nous avons actuellement. Il avait une vision et celle-ci était authentiquement nourrie par une très haute culture. Ainsi, quoi qu'on dise aujourd'hui, il n'y a plus aucune différence de culture et de vision du monde entre un ouvrier, un technicien, un notaire, un artisan, un médecin, un universitaire (toujours éminent et brillant, comme on sait, alors que c'est dans 75% des cas une limace inculte hyper-spécialisée qui ne s'intéresse à rien, un bon artisan à la curiosité inquiète en sait 100 fois plus, avec le sens commun en plus et le gauchisme adolescent en moins), un ingénieur, un énarque et un cad'sup, c'est la révolution communiste susmentionnée. Leur curiosité n'est en général pas très étendue, leur sentiment pour le bien commun ne peut donc pas être très important et leur compréhension du monde complètement altérée par les ordures qui ont tout intérêt à détruire ce qui les constitue. Tous sont des spécialistes, ont acquis des connaissances pour un travail précis, mais ne s'intéressent en général à rien d'autre, c'est la liberté des modernes dont parlait déjà Benjamin Constant, mais portée à son paroxysme. Les analyses de Bourdieu, même si elles étaient encore un peu pertinentes dans les années 60, avec la violence symbolique et la distinction, ne valent plus rien aujourd'hui. Ce qui fait la valeur intellectuelle d'un homme, c'est de s'intéresser à autre chose qu'à ce qui le sert immédiatement pour exercer sa profession. J'ai entendu un jour Marie-France Garrot nous narrer à Europe 1 les loisirs de son père pendant les vacances, il lisait Suétone et Plutarque. Quel homme politique lit aujourd'hui Plutarque et Suétone? Hollande, photographié un jour sur un bateau pendant les vacances d'été lisait l'Histoire pour les nuls, non ce n'est pas un gag! Je pense qu on est en droit d'attendre d'un président de la République, des connaissances assez affermies en histoire. C'est la grande leçon que l'Antiquité gréco-romaine nous a laissée, il suffit de lire la correspondance de Pline le Jeune, on y voit des hommes désintéressés, indéterminés surtout (ne se voulant pas avocats ou orateurs, médecins, mais d'abord hommes accomplis), perfectibles, recherchant le meilleur pour leur patrie (et ça commençait naturellement par la préservation de leur culture et de la paideia, culture classique), citoyens tout simplement, tout l'inverse des comiques, des cancres et jean-foutres actuels au pouvoir. Il ne faut pas avoir peur d'eux et il faut les prendre comme ils sont. Je conseille d'aller passer une journée à l'ENA et d'entendre les discours de ce que l'on nous présente comme "élite".   

    L'absence de vision des cinq autoproclamés grands candidats, comme dit Jérôme Bourbon, est donc à la hauteur de leur niveau de culture et de leur niveau mental.

    Un peu de philologie pourrait en outre nous aider à comprendre tout ce que je viens de démontrer.

    Chacun peut savoir que la vision et savoir ont la même signification en indo-européen, la racine i.e *weid/wid/woid signifie à la fois "savoir" et "voir"; voir, c'est savoir pleinement. L'étymologie nous oriente vers le vrai sens des mots, non pas des étiquettes sur un contenu figé, mais le corps d'une pensée vivante. En philosophie, elle nous sert à pénétrer la nature même de l'esprit humain, lequel ne peut penser qu'à travers des images sensibles. 

    Il suffit d'examiner ensuite la postérité de cette racine dans les langues européennes historiques, cette racine a donné seulement "voir" en latin video et tous nos verbes "voir" qui en procèdent dans nos langues romanes, ainsi que le thème d'aoriste "id" pour ὁρῶ en grec ancien : εἶδον (j'ai vu ou je vis), notre mot savant "idée" vient de cette racine grecque. Mais elle a donné le verbe savoir en germanique occidental : wissen en haut allemand (allemand proprement dit), weten en bas allemand (comme le néerlandais), οἶδα en grec, veda en sanskrit (comme les veda de l'Inde classique).

     

    David Veysseyre

    (courrier des lecteurs de RIVAROL 30 mars 2017)


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