• Toute religion est politique, l’islam est politique ..

    Toute religion est politique, l’islam est politique..(1/2)

    Posté par: Kader Hamiche..

    images (1)

        Quel rapport entre la guerre de Daech, la montée de l’islamisme et les « guerres de religions » européennes commencées avec le Grand schisme d’Occident en 1378 et terminées en 1629 avec la promulgation de l’édit de grâce d’Alès ? Réponse : sous couvert de religion, toutes sont des guerres toujours politiques et très souvent nationales.   (Lire  Guerres de civilisations : DAESH[1])

        Les événements dramatiques qui ont caractérisé les XVème et XVIème siècles en Europe sous le nom de « Guerres de religion » comportaient deux volets intimement imbriqués : un volet religieux proprement dit, c’est-à-dire une divergence d’interprétation des dogmes de la chrétienté qui se traduisit d’abord par des « disputes », autrement dit, des débats purement théologiques ; un volet politique au sens premier du terme : les dogmes religieux faisaient partie des conventions autour desquelles les Hommes faisaient société, peuple. Du coup, des divergences d’interprétation importantes du dogme religieux remettaient en question le socle commun sur lequel reposait la société et ses chefs (on ne disait pas encore l’État) et conduisait à la guerre. L’opposition sur les dogmes s’accompagnait d’une contestation des princes.

        Cette observation est évidente pour l’Europe centrale, d’où partit le premier schisme, car il s’agissait d’une entité constituée de multiples nations, royaumes et principautés réunis dans le Saint-Empire Romain Germanique de Charles Quint. La crise y fut réglée avec la paix d’Augsbourg (1555) sur la base du principe cujus regio, ejus religio (la religion du prince est celle du pays). Ailleurs, la manie de nos contemporains de confondre « religion » et « croyances » trouble le diagnostic rétrospectif en parlant de « guerres de religion » à propos de luttes pour le pouvoir et de conflits politiques majeurs. En France, la « dispute » théologique s’accompagnait d’une véritable contestation du pouvoir en place exactement comme en Europe centrale mais, s’agissant d’un royaume homogène, la guerre qui s’en suivit prit les apparences d’une guerre civile. Et c’est, on l’oublie bien souvent, un Protestant qui succéda à Henri III en 1589, et qu’il dut s’imposer par le fer face aux Ligueurs catholiques. Mais Henri IV sut se rallier beaucoup de princes catholiques et n’hésita pas, pour mettre un terme à une guerre longue et meurtrière, de se convertir plus ou moins sincèrement (« Paris vaut bien une messe ! ») quatre ans après son avènement. La promulgation en 1598 d’un édit de tolérance mieux connu comme « l’Édit de Nantes » calma les choses pendant quelques années mais on peut dire qu’il régnait alors entre les Catholiques et les Protestants français une union réduite aux aguets. En effet, les Protestants contrôlaient pas moins de cinquante-et-une places de sûreté et il fallut un Richelieu déterminé (euphémisme) pour rendre à la Couronne toutes ses prérogatives. Ce qui fut fait en 1629 avec la destruction des dernières places fortes protestantes.

        Dans la même période, l’Angleterre d’Henri VIII connaissait une évolution originale. C’est un conflit politique entre le Roi et… le Pape qui donna naissance à l’Église Anglicane. Une expérience sur laquelle nous reviendrons dans l’article de demain car il serait peut-être bon de s’en inspirer.

    *     *     *

        Pour bien comprendre l’universelle imbrication du religieux et du politique, il faut revenir aux racines de la religion (d’où, soit dit au passage, le rôle de l’apprentissage du latin et, dans une moindre mesure, du grec à l’école). « Religion » viendrait de religare (relier, unir). Je ne me risquerai pas à un commentaire des interprétations de l’étymologie de ce mot mais une chose est certaine : dans « religion », il y a l’idée de relier. Pour les Romains, il s’agissait de relier les citoyens (je dis bien « citoyens » et non pas « hommes ») par la pratique de rituels communs. La religion était l’ensemble des rituels publics auxquels les Romains étaient astreints et dont le grand prêtre, le Grand Pontife[2] ou Pontifex Maximus était, avec les deux Consuls, l’un des trois principaux dirigeants de l’État. Les Romains étaient tenus d’adhérer et de participer aux rites communs, inventés et codifiés par Numa, le successeur de Romulus, pour servir de ciment à la Cité. Ce à quoi chacun d’eux croyait dans le tréfonds de son âme n’intéressait personne et ne regardait pas la chose publique : c’était considéré comme de la superstition (sans connotation péjorative). En ce sens, la religion est donc bien un lien social. Par ailleurs, peu importait aux Romains ce que les autres peuples pensaient, ils n’étaient pas sectaires et ne cultivaient aucun complexe de supériorité de leur « religion » sur celle des autres. A telle enseigne que, avant un combat, ils n’hésitaient pas à invoquer les faveurs des dieux étrangers (evocatio) et, quelquefois, lorsqu’ils jugeaient que ceux-ci leur avaient été favorables, de les adopter au point de leur réserver un culte.

        Plus tard advint l’idée, très chère à Saint-Augustin, que la religion était le lien exclusif de l’individu à Dieu[3]. Une idée bien utile à Constantin, objet du culte de Sol Invictus et « inventeur » de l’église romaine-chrétienne pour servir son dessein d’être reconnu comme le chef unique de l’Empire. Un Dieu unique auquel tout homme rendait compte de ses pensées s’accordait bien avec un Empereur unique divinisé auquel tout citoyen était assujetti. Cette notion a donné le pouvoir absolu de droit divin[4] et a perduré presque partout pendant au moins quinze siècles.

        Puis est venu, en particulier en France, un nouveau dogme, une nouvelle religion : le laïcisme ou, plus exactement, l’anticléricalisme. Ses tenants, qui exercent le pouvoir depuis bientôt cent-cinquante ans dans toutes les sphères de la vie publique, ont imposé l’idée que la religion relevait exclusivement de la vie privée. Le démantèlement de l’empire ottoman a vu cette idéologie inspirer la plupart des leaders nationalistes moyen-orientaux, à commencer par Kamal Atatürk, le « père » de la Turquie moderne. A sa suite, les nationalistes arabes d’Égypte, de Syrie et d’Irak, comme ceux du Maghreb, s’inspirèrent du laïcisme français. Seuls échappèrent à cette tendance le Maroc, la Jordanie et l’Arabie qui restèrent des monarchies. Alors, on put croire ces pays durablement engagés sur la voie d’une désislamisation comme l’Europe avant eux sur celle de la déchristianisation. Malheureusement, tous virent leurs régimes politiques dériver vers la dictature de potentats d’autant plus contestés qu’ils ne parvinrent jamais à solutionner la question palestinienne. Le salafisme, ou « retour aux sources », s’imposa dans la société en réaction à une modernité qui avait échoué à donner la prospérité et la liberté aux Arabes. Quand l’Amérique s’en prit à l’Irak, cet islam revanchard avait déjà conquis les esprits et les cœurs de populations laissées pour compte. Mieux, si je puis dire, cet islam politisé ayant pris le pouvoir en Iran contre un régime réputé puissant, c’est un islamisme triomphant qui, à partir des années quatre-vingt, conquit toute l’Oumma.

        Ainsi, le vingtième siècle vit successivement l’islam assoupi, l’islam vaincu et marginalisé, l’islam refuge, l’islam espérance, l’islam foyer de révolte, l’islam revanchard et l’islam au pouvoir. Et voici que le vingt-et-unième siècle connaît l’islam conquérant au point de cultiver la prétention non seulement de régenter l’État et les individus en terre d’islam mais aussi d’islamiser l’Europe. Quel rapport entre l’islam algérien ou irakien des années soixante à quatre-vingt qui se satisfaisait parfaitement de femmes arabes allant au bureau en mini-jupes et lunettes Ray ban et l’islam de 2015 qui impose le voile à leurs filles et leur refuse la citoyenneté ? Aucun. Le musulman des années soixante-dix imitait l’occident et y associait la modernité : celui de 2015 fait tout pour s’en démarquer et se réfère en tout, y compris dans son apparence physique, à l’idée qu’il se fait du musulman des origines ; le premier reléguait peu à peu sa foi dans sa sphère privée ; le second lui subordonne toute sa vie, privée et publique ; le premier avait la nationalité du pays où il habitait et obéissait à ses lois : le second n’a qu’une nationalité, l’Islam, et rêve de charia pour tous ; etc.

        Alors, on voit vaciller les certitudes des laïcards qui non seulement nous gouvernent mais, de plus, prétendent régenter nos vies et nos mœurs. La logique voudrait qu’ils rappellent à nos hôtes le vieil adage « A Rome, fais comme les Romains ! » Le bon sens voudrait qu’ils s’opposent de toutes leurs forces à cet islam invasif et à la prétention de ses fidèles les plus hardis à imposer chez autrui leurs us, leurs coutumes et leurs lois. Le sens commun voudrait qu’on définisse une bonne fois ce qui, dans l’islam, s’accorde avec l’intérêt public et ce qui ne s’y accorde pas. Le problème de nos élites dirigeantes est qu’elles ne sont pas que laïcardes : elles sont aussi immigrationnistes, tiers-mondistes, humanistes et paternalistes un tantinet condescendantes. Et elles sont antiracistes par vocation et par confort intellectuel. Or, le tiers-monde, l’immigration, les faibles, ce sont des musulmans. Et les bonnes âmes qui nous dirigent font mine d’ignorer la menace et continuent de ne voir dans l’islam qu’une religion pacifique. « Pas d’amalgame ! » est devenu leur mot d’ordre. Dès lors, par un raccourci bien pratique qui permet d’éviter toute discussion risquant de mettre leur faiblesse à l’égard de l’islam en porte-à-faux avec leur laïcisme proclamé, elles ont décrété une fois pour toutes que c’est par racisme[5] que des citoyens de plus en plus nombreux appellent à un débat – et à des mesures – sur l’islam. Alors, pas touche à l’islam !

        Oui ! il est urgent de mettre l’islam en débat. Non pour dire aux Musulmans ce qu’ils doivent croire et ne pas croire, non pour s’immiscer dans leur foi et leur dicter leurs rites, mais pour définir lesquelles de leurs pratiques sociales s’inscrivent dans le modèle de société français et lesquelles sont incompatibles avec lui. Il n’y a aucune raison pour que l’islam échappe à la nécessaire adaptation aux institutions françaises à laquelle les autres religions pratiquées en France se sont astreintes sans gaieté de cœur mais par souci du bien public. Abdelwahab Meddeb, le théologien et philosophe franco-tunisien qui nous a quittés récemment, disait qu’il fallait que l’islam s’impose des « révisions déchirantes »[6]. Cette question est cruciale. Il n’est plus possible que l’islam salafisé s’incruste en France en bloc sans que les Français disent ce qui, dans ses pratiques, est conforme ou ne l’est pas à ses principes et à sa civilisation. Or, je ne crois pas une seconde que les consultations que mène en ce moment le premier ministre Valls avec les organisations censées représenter les musulmans de France aillent bien loin. Je ne crois pas non plus que le très superficiel Nicolas Sarkozy s’attelle sérieusement à cette question. Enfin, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, la ligne du FN est illisible. Il appartiendra donc aux forces patriotiques, nationistes et souverainistes, si elles parviennent à s’entendre, de proposer une doctrine de l’islam français. (A suivre)

    (Demain : Pour un islam français dépouillé de sa dimension politique)


    [1] Je viens de le relire. A propos du danger constitué par DAECH, j’y écrivais : « Il ne réside pas dans la guerre elle-même mais dans le fait qu’il sert de centre de formation accélérée pour des légions d’islamistes fanatisés. Des fous de Dieu que nous verrons bientôt à l’œuvre, ici, en Europe. » C’était moins de trois mois avant les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher de Vincennes, les 7 et 9 janvier 2015.

    [2] Pour marquer l’importance politique de cette fonction, rappelons que César s’y fit élire dès l’âge de 37 ans et le resta jusqu’à sa mort. Et, pour mettre le pied à l’étrier politique de son petit-neveu et futur héritier Octave (Auguste), il le fit entrer à 15 ans dans le collège des pontifes de Rome.

    [3] On la retrouve dans… l’Islam. Le croyant prie seul car l’Islam privilégie le lien direct avec Dieu. Ce qui explique l’absence de clergé musulman. Accessoire à toute réunion de croyants, qui mettent ainsi leurs débats sous le patronage de Dieu, la prière du vendredi fut instituée en rituel bien après la mort du Prophète Mohamed.

    [4] Sous la monarchie française, elle faisait partie des conventions le mieux ancrées dans les esprits. En France, l’onction divine tombait sur les monarques à leur majorité. A telle enseigne que les Frondeurs (les vrais, pas les faux durs du PS), qui s’étaient tout autorisé sous la minorité de Louis XIV, perdirent le soutien du peuple dès que celui-ci eut 13 ans et rentrèrent dans le rang l’année suivante après avoir été battus militairement. Au siècle suivant, les Philosophes, puis les Révolutionnaires jusqu’à 1792, firent tout pour laisser le roi Louis XVI à l’écart des critiques.

    [5] Le mot « islamophobie », qui nomme parfaitement la réalité, est employé par eux dans le sens – qu’il n’a pas – de « racisme anti musulman ». C’est bien pratique pour stigmatiser sans prendre le risque de se faire condamner.

    [6] J’ai remarqué que cette courageuse affirmation a, depuis sa mort, disparu de sa fiche Wikipédia


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :