• Moi aussi, j’ai mal à ma France et je l’aime !

    Moi aussi, j’ai mal à ma France et je l’aime !



    Moi aussi, j’en ai marre qu’on insulte, maltraite, mutile et tente de tuer mon beau pays de France. 
    Alors je vais le dire avec mes mots simples et enfantins, puisque j’ai l’enfance marquée au cœur.

    L’enfance d’une petite fille née dans un milieu très modeste, d’un père ouvrier fier et droit dans son bleu de travail.
    Il aurait pu être sculpteur, longues mains nerveuses, précision dans le maniement des ciseaux à bois, goût du beau.
    La pauvreté.
    Les habits qu’on se passe, les chaussures qu’on coupe devant ou derrière selon la façon dont le pied grandit.
    Une fillette qui aimait les livres, et rêver, et voir les choses : nuages, oiseaux, vaches, montagne, pensées sauvages cachées dans l’herbe.
    Je faisais de belles rédactions en classe.
    Les institutrices se lisaient mon cahier jaune à la récré.
    Moi, je jouais à la marelle.
    Je regardais le ciel, les feuilles neuves sur les platanes.
    Je ne savais rien. J’étais vivante, j’aimais lire et étudier.
    Je devais faire des études courtes.
    Après la 3e, hop ! j’apprenais à taper à la machine, je travaillais un peu et puis « je me casais » car tel était le sort réservé aux filles de mon non-rang.
    Mais l’institutrice a fait venir mon père droit et fier à l’école.
    Cette enfant-là, cette enfant qui avait eu le prix de la meilleure élève de l’école (ce prix, un gros livre, m’avait été remis par le maire, à l’Opéra !
    Et moi j’avais eu honte de mes vilaines sandales et de mes bras trop maigres), il fallait qu’elle aille au collège, fasse des études, apprenne le latin.
    Le latin ! J’étais abasourdie.
    Mon père a compris.
    J’ai fait de longues études, ai appris le latin, rosa rosa rosam qui m’enfouissait le nez dans le parfum des fleurs.
    J’ai été boursière durant mes études.
    Au plus grand échelon, mes parents n’ayant pas du tout un pognon de dingue.
    J’ai plongé dans l’inconnu, le vert paradis des amours enfantines, le regard de Legrandin, le Mal-aimé…
    Je n’étais pas Cosette, non.
    Juste une violette qui avait poussé au milieu de piquants.
    Et la petite fille à la robe empruntée, aux méchantes sandales, est devenue un papillon libre.
    Cela, c’est ma France qui me l’a donné, mon pays bien-aimé, mon institutrice de la République, mes enseignants, les bourses d’études.
    J’ai honoré ce don en travaillant, en ne ménageant pas l’effort.
    Sans creuset culturel, j’avais tout à apprendre, embéquillée, aidée par tous, remerciant mon père magnifique et droit, ma mère la France bleu blanc rouge, mon coq sur le clocher de la petite église du village.
    France, mon pays que j’aime.
    Je voudrais parfois partir, gagner l’Irlande aux doux paysages, ses moutons libres sautant d’un rocher l’autre dans le Connemara.
    Mais j’aime trop ma belle langue française, ses nuances et sa complexité, sa folle grammaire sensée. Alors voilà, j’y suis, j’y reste.

    Je t’aime, ma France.

    Je panse tes blessures, je te défends et te protège par mes mots.

    Et je dis même cocorico, dressée sur mes ergots bleu blanc rouge.

    Dolorès Mora

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