C’est une éventualité sérieuse, une forte probabilité même, que celui qui a armé le bras de Marine Le Pen paie un jour le prix élevé du parricide. Il sera le bouc-émissaire tout désigné afin d’effacer une tâche de sang qui risque fort cependant de demeurer ineffaçable. Florian Philippot n’aime pas qu’on puisse ainsi évoquer sa future disgrâce qui serait le châtiment du meurtre symbolique - le meurtre du père - qu’il présente lui comme l’action salvatrice et douloureuse d’une fille devenue femme d’Etat en ce sacrifice paternel. Pour avoir évoqué cette future sanction à son encontre dans un précédent article ("Marine Le Pen et le fardeau du parricide"), le grand manitou mariniste a fait donner l’artillerie de ses relais frontistes sur tweeter, m’accusant de reprendre les arguments de Rivarol – qui ne fait pourtant pas partie de mes lectures - et nous reprochant en l’occurrence "sexisme et paternalisme". Des accusations fantaisistes qui ont surtout pour but de tenter de diminuer la gravité du pire des crimes, et aussi de le disculper, ce qui paraît pour le moins difficile. Il en portera dans l’histoire la gloire ou la honte. Peut-être les deux à la fois…
Une "autorité de substitution"
Tout dépendra sans doute des résultats électoraux aux régionales, puis à la présidentielle. Echec ou victoire, son sort sera scellé. En cas de défaite de Marine Le Pen à l’élection suprême, nul doute qu’il sera le premier exécuté. Mais il n’est pas sûr non plus que Florian Philippot survive à une victoire. D’abord parce que les conseillers de l’ascension ne survivent pas toujours à la prise de pouvoir. Surtout lorsqu’ils sont sortis de l’ombre et captent trop de lumière. Comment Marine le Pen pourrait-elle supporter longtemps qu’on dise comme cela s’entend, qu’il est "son cerveau", "qu’elle lui doit tout", "qu’elle est trop fragile pour se passer de lui etc". Si elle s’est "libérée de son père", comme elle s’en réjouit, ce n’est pas pour s’encombrer longtemps d’une autorité de substitution, dont les abus exaspèrent déjà ses plus proches, tel son compagnon Louis Alliot, ou encore à un autre niveau Marion Maréchal Le Pen. Si cet espoir frontiste, vierge de toute tâche dans le parricide, si donc cette autre blonde l’emportait en région PACA, alors qu’elle est sur une autre ligne politique que Philippot, ce dernier pourrait compter ses abattis. Car il a une très grande faiblesse…
Changer l'or en plomb
Le vice-président du FN en effet n’a pas de bastion électoral qui puisse lui servir de repli ou d’appui. Pas de base où puiser des forces et en refaire après un éventuel revers d’élection ou d’affection. Il a été battu aux régionales comme aux municipales, et ne tient donc que par la seule volonté de la suzeraine qui peut, selon son bon plaisir, changer subitement l’or de la grâce en plomb de la disgrâce. Florian Philippot l’a parfaitement compris lui qui désormais n’en rajoute plus dans ses exigences d’évolution du FN – plus question de l’impératif changement de nom dont ne voulait pas Louis Alliot notamment - et mieux encore, il prend soin de vanter plus que jamais les atouts incomparables de Marine Le Pen. Comme dans le Journal du Dimanche où "Philipipeau" joue cet air flatteur : "Il n’y a pas plus libre et courageuse qu’elle", puis il violone : "Elle a toutes les qualités d’un chef". Avant de trompeter : "Je n’ai qu’une seule ligne, c’est le marinisme". "Philippot 1er" ne veut surtout pas qu’on le couronne. Il ne peut pas y avoir deux monarques dans cette monarchie héréditaire où il n’est qu’un hors seing. "On est chez nous", crient d’ailleurs les lepénistes. Lui, n’est pas chez lui au FN !
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