«Vous n’avez pas compris ce qu’il s’est passé dans l’élection présidentielle!» Ne dites pas à Alexis Corbière, porte-parole de la France insoumise (FI), que les ambitions affichées par son mouvement pour les élections législatives des 11 et 18 juin - «devenir majoritaire» et porter Jean-Luc Mélenchon à Matignon - est bien trop ambitieux sans alliances avec d’autres formations politiques. «La force est du côté de la clarté, de la cohérence», insiste celui qui espère être élu député de Seine-Saint-Denis le 18 juin prochain. Pas d’accord, pas «d’alliances tuyaux de poêle», avec leurs ex-alliés PCF , encore moins avec des amis du socialiste de Benoît Hamon qui ne veulent pas quitter le PS.

 

Cette multiplication des étiquettes à gauche empêchera pourtant l’objectif affiché par Mélenchon devant les candidats FI aux législatives réunis samedi après-midi à Villejuif (Val-de-Marne) : «Gouverner le pays, constituer une nouvelle majorité». Autrement dit : «Organiser une nouvelle cohabitation», ajoute-t-il. Mélenchon se moque au passage de la longue marche du président élu le soir de sa victoire au Louvre : «Il nous faisait peur, il marchait tout seul avec cette ombre sur le mur. On aurait dit Belphégor». Un brin condescendant, il s’autorise ensuite à appeler les électeurs à faire en sorte «que ce jeune homme (le nouveau chef de l’Etat, ndlr), dans ses folies, soit tempéré par la main d’un sage». La sienne.

Devant ses troupes installées autour de tables rondes, le député européen s’adresse à eux sur une scène centrale. Il a ressorti la cravate rouge et le costume. «Le seul interlocuteur politique que nous ayons, c’est M. Macron», lance-t-il avant de dessiner la première ligne de front du nouveau quinquennat : l’«abrogation» du Code du travail par ordonnances. Le double candidat à la présidentielle est porté par les«Résistances! Résistances!» scandées par la salle.

«Crevards», «marchands d’illusions» et «faussaires»

Fort de ses 19% obtenus au 1er tour de la présidentielle, Mélenchon trace son chemin politique renversant, comme il dit, «le vieux monde». Entre lui et Macron, porteur, dit-il, d’une «cohérence politique», plus rien ne doit rester après le 18 juin. Et surtout par le Parti socialiste qu’il part défier dans la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône. Il critique les «crevards» qui ont sollicité l’investiture En marche. Il dénonce les «hordes des petits clans […] qui pullulent dans le Parti socialiste» et s’adresse à ceux avec qui il a milité jusqu’en 2008 et prétendent «recomposer» le PS. «Oui, recomposons! Sortez du PS, venez.» Mélenchon s’en prend à ces derniers, «des marchands d’illusions», «des faussaires» : «Vous êtes tous les mêmes! […] Vous êtes déjà divisés en trois ou quatre sectes». «Nous avons un drapeau, clair, net, sans tache […] il s’appelle la France insoumise», poursuit-il avant de lancer : «Dégagez-les! Dégagez-les! Sortez-les tous!». Le public applaudit. Debout.

 Villejuif, France samedi 13 mai 2017 - Lancement de la campagne legislative de la France Insoumise à Villejuif

Le quatrième homme de cette présidentielle a tout de même un mot pour les électeurs du PS qui «ont su faire mouvement du bon côté», vers lui, le 23 avril. «Je ne l’oublierai pas», promet-il. Mélenchon veut que ces derniers choisissent le bulletin FI le 11 juin. Parce que, assure-t-il, il y en aura dans les 577 circonscriptions, représentant «la France de tous les âges, la France de tous les métiers, La France de toutes les couleurs de cheveux, d’yeux et même de peau», affirmant sa «fierté», avec un ton qui rappelle la fin d’un de ses discours resté célèbre : celui de Brest en 1997 lorsqu’il briguait la tête du Parti socialiste contre François Hollande.

«Nous demandons la discipline»

Il revient ensuite sur la «polémique prétexte», selon lui, celle qui aurait empêché un accord avec les communistes : la signature d’une charte demandant entre autres la discipline de vote. «Oui nous demandons la discipline […] qui consiste à respecter le programme sur lequel on est élu», explique Mélenchon. «J’ai été membre d’une organisation qui a disparu […] le Front de gauche, rappelle-t-il. Pour moi, c’était d’une grande souffrance d’apprendre qu’un député ait voté contre le mariagepour tous. […] Il a le droit […] mais pas en notre nom!». Nouveaux applaudissements. Mélenchon oublie au passage de rappeler que cette charte demande aux candidats de s’affilier à l’association de financement de la France insoumise. Ce que refusent, pour raisons financières, les communistes. «Nous avons lutté pendant 40 ans contre la volonté hégémonique du Parti socialiste, ce n’est pas pour accepter la volonté hégémonique de la France insoumise», dit-on dans la direction PCF. Réponse de Corbière : «La force qui rassemble, c’est la France insoumise. Nous soutenons des écologistes, des communistes…». Mélenchon revient enfin sur la présidentielle «moment d’une grande frustration» : «Parce que 600 000 voix, ça vous passe au ras des doigts», dit-il.

«Antifascistes d'opérette»

Il appelle les siens à n’avoir «ni aigreur, ni amertume», à ne pas faire de «polémique(s)». Il passe tout de même près de vingt minutes de son discours d’une heure et demie sur le sujet. Il se moque des «antifascistes d’opérette», qui l’ont accusé de faire le jeu du Front national en ne donnant pas de consigne de vote pour le second tour de la présidentielle. «Nous avons commencé à déloger le Front national, lance-t-il. Ceux qui sont responsables du Front national sont un, ceux qui votent Front national, deux, ceux qui font voter Front National!». La salle se gondole de nouveau lorsqu’il parle d’un «PS avec ses deux candidats»: «Voyez mes ailes, je suis Macron, voyez mes pattes je suis Hamon!» Et refait le débat d’entre-deux tours en s’imaginant face au président élu : «pas un mot» sur l’écologie, «pas un mot» sur les institutions, regrette-t-il. De l’amertume, sans doute, mais comme à chaque fois avec Mélenchon, pour mieux se relancer sur un autre combat : réussir à s’imposer comme figure de l’opposition à Emmanuel Macron.

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