Voilà un personnage qui savait s’entourer de mystère. Mohamed Mediène, alias général Toufik, a toujours refusé tout entretien à la presse, et seuls trois clichés de lui sont connus. Dans un portrait publié dans le magazine Jeune Afrique en février 2014, on apprend que cet ancien combattant de la guerre d’indépendance, originaire de la Petite Kabylie, fait ses classes au début des années 1960, tout d’abord comme artilleur en Jordanie, puis auprès des maîtres espions soviétiques du KGB. Il occupe ensuite divers postes au sein de la Sécurité militaire.
Au total, 50 ans de carrière au service de l’Etat qui lui permettent de tisser d’innombrables réseaux. Il était le dernier des « janviéristes », le collège des généraux qui avait poussé l’ancien président de la République Chadli Bendjedid à la démission, puis avait suspendu les élections législatives du 26 décembre 1991, largement remportées par les islamistes du Front islamique du salut (FIS, parti interdit depuis, NDLR). Cette décision donna le coup d’envoi à une décennie de violences, d’attaques terroristes et de répression sanglante.
"Un évènement historique"
Le limogeage du général Toufik intervient à la suite d’autres démissions décidées par le pouvoir en place, depuis le début de l’été. Depuis Alger, Abdou Semmar, blogueur et rédacteur en chef du site algerie-focus.com, estime que cette mise à la retraite représente bel et bien un événement historique ! « Il était l’un des chefs de renseignements les plus anciens de la planète ! Il a régné pendant 25 ans. C’est un processus qui a pris beaucoup de temps, qui a duré 3 ou 4 ans et qui entre dans le cadre d’une restructuration des services de renseignements algériens ».Pour une bonne partie de la presse algérienne, cette décision est une illustration de la guerre de clans qui fait rage actuellement à la tête du pays.
"Faiseur de rois"
Le départ, forcé, du « faiseur de rois » a plutôt étonné la rue algérienne, et surtout sa jeunesse. Pour le blogueur, « on pensait que ce genre de personnage allait mourir un jour, mais toujours à son poste ! Entre inquiétude et espoir, une partie des Algériens pensent que c’est donc un bon signe. D’autres changements sont attendus d’ici la fin de l’année, une nouvelle Constitution est à l’étude, un nouveau remaniement gouvernemental est annoncé… C’est sans doute, un grand nettoyage qui est en train d’être opéré ».La mort du "Grand Moloch" ?
D’autres observateurs vont plus loin, à l’image de Slimane Zeghidour, (éditorialiste spécialiste du monde arabe à TV5monde), ce changement est encore plus profond, car il est psychologique.
« Cette baudruche explose au moment où l’Etat va perdre sa fonction d’Etat providence, (en raison de la crise des hydrocarbures), cela augure d’un changement en profondeur et d’un autre type de relation entre l’Etat et la société. Jusqu’ici l’Etat fonctionnait en circuit fermé totalement coupé de la société. La société, elle, fonctionnait en dehors de l’Etat avec même la haine de l’Etat. Cela prendra sans doute une génération, mais c’est peut-être le début d’une réconciliation ».