8 janvier 2015, au lendemain de la tuerie à Charlie Hebdo. Dans une école primaire de Nice, les élèves d'une classe de CE2 discutent du drame avec leur instituteur. «Êtes-vous Charlie ?», demande-t-il. Ahmed, 8 ans, répond que non. Pourquoi ? «Parce qu’ils ont caricaturé le prophète. Moi, je suis avec les terroristes.» Le prof alerte son directeur. Ce dernier décide de convoquer le gamin, puis ses parents, qui raisonnent leur rejeton. Mais il ne s’arrête pas là. Le 21 janvier, le directeur de cette école située dans le sud de la ville, dépose plainte au commissariat pour «apologie du terrorisme».

Contacté ce mercredi soir par Libération, le ministère de l’Education confirme qu’une plainte a bien été déposée contre le père de l’enfant. Et qu’un «signalement a été fait à la protection de l’enfance.»

«A partir de là, la machine judiciaire est lancée», explique à Libération Me Sefen Guez Guez, l’avocat qui défend Ahmed. Convoqué ce mercredi après-midi au commissariat de Nice, dans le cadre d’une audition libre, l’enfant y reste près de deux heures. La suite ? L’avocat la raconte dans une série de tweets, sous le pseudo: IbnSalah.

 «Placer un enfant de 8 ans en audition libre, c’est dire l’état d’hystérie collective actuelle autour de cette notion d’apologie de terrorisme. Dans ce genre de cas, il faut de la pédagogie», considère Me Guez Guez, furieux. «On ne pense pas en rester là, l’attitude du directeur est inadmissible.» Il l’accuse d’avoir infligé des«brimades» à Ahmed, en le «mettant au coin» et le «privant de récréation».

Selon l’avocat, l’enfant a aussi raconté avoir essuyé cette remarque alors qu’il jouait dans le bac à sable : «Arrête de creuser, tu ne vas pas trouver de mitraillette pour tous nous tuer.» Ahmed, diabétique, aurait même une fois été privé de sa prise d’insuline, toujours selon l'avocat. Contacté par Libération, le procureur de la République de Nice confirme l’existence de cette audition libre, mais n’a pas plus de commentaire à apporter. Selon lui, la police pourrait communiquer dans la soirée. L’école primaire, fermée, était injoignable.

Sylvain MOUILLARD